2023, l’Assemblée nationale vote l’obligation de 15 heures d’activités hebdomadaires pour obtenir le RSA (Revenu de Solidarité Active). Toute la France semble résignée. Toute ? Non, bien d’autres initiatives existent, cherchant à faire reculer la pauvreté et non à contraindre et culpabiliser les pauvres.  La réalisatrice Isabelle Dario et les réalisateurs Boris Claret et Vincent Glenn conçoivent actuellement une série documentaire en 12 épisodes intitulée De Base pour ouvrir un débat éclairé sur notre modèle social.

UN DÉBAT ÉCLAIRÉ SUR NOTRE MODÈLE SOCIAL

Nous sommes nombreux à tenter de réinventer nos relations au travail, à l’emploi, à l’accès à un revenu décent et à des activités qui font sens. En réponse, après avoir obstinément évacué ces questions du champ de la retraite, le gouvernement français conditionne l’obtention du RSA à l’exercice d’une « activité », avec l’invention prodigieuse de la notion de « bénévolat obligatoire ».  L’historien Johann Chapoutot résume parfaitement l’absurdité dissimulée par ces injonctions au « travail » : « Travailler plus mais travailler à quoi ? Ceux qui nous y enjoignent montrent à quel point ils ne saisissent pas les enjeux vitaux : il faudrait au contraire abaisser drastiquement un taux d’activité qui aujourd’hui ne peut conduire qu’à la catastrophe climatique. »

Certes à bas bruit, circulent depuis longtemps des idées aux antipodes de celles qui conduisent aujourd’hui à forcer les précaires à faire la preuve qu’ils « s’activent ». Parmi celles-ci, on trouve la création d’un revenu citoyen inconditionnel, formulée pour la première fois par Thomas Paine, fin XVIIIe.

En plus de 200 ans, l’idée a fait du chemin, diverses modalités sont proposées et suscitent des controverses : revenu minimum, impôt négatif, revenu de base, allocation universelle, salaire à vie, revenu contributif… Si chacun de ces projets recouvrent des intentions politiques différentes voire antagoniques, elles ont en commun d’être porteuses d’un imaginaire sociétal plus juste et écologiquement viable.

Aucune proposition n’emporte encore une adhésion suffisante pour en faire une matière politiquement crédible. Chacun sent bien que cela peut conduire à des transformations radicales, mais au bénéfice de qui et de quoi ? Il serait dommageable qu’une formule s’impose, ou qu’on nous l’impose dans la confusion et sans un large débat éclairé par un processus de documentation conséquent.

Nous souhaitons, bien avant 2027, avec cette série documentaire remettre ce débat en lumière.

12 films pour entendre d’autres voix et imaginer d’autres voies… Des utopies ? Probablement, mais appuyées sur la conviction que seules les batailles que nous ne menons pas sont perdues d’avance.

TEASERS & RESSOURCES

Chaque semaine jusqu’à fin avril, un nouveau teaser est mis en ligne.
Attention : Ces vidéos ne sont pas des épisodes de la série, mais de premiers montages pour donner une idée de la tonalité de la série et des réflexions qui forgent l’enquête. Ces teasers sont à retrouver sur la chaîne YouTube dédiée à De BASE ainsi que des ressources qui accompagnent le projet.

RENCONTRES ET INTERVIEWS

Un premier cycle de rencontres et de tournages a été initié à Marseille, Sète, Paris, Clermont-Ferrand, Montreuil et Bruxelles. Cela a donné lieu à une forme d’inventaire et de questionnements, une collecte de données permettant de faire le point sur différentes approches proposées. Des entretiens filmés ont été réalisés avec :

Léon Régent, Céline Marty, Eric Dacheux, Yovan Gilles, Guy Valette, Nadia Bouallak, Benoit Borrits, Ly Katekondji, Barthélémy Gonella, Alain Persat, Lisa Dvornicic, Cyril Choupas, Christine Mead, Florine Garlot, Pauline Vigey, Ariane Tichit, Grégoire Verrière, Jean-Michel Champougny, Jean Desessard, Bernard Friot, Philippe Van Parijs, Télémaque Masson-Recipon, Gérard Mordillat, Léa Filoche, Benjamin Lucas, Célina Whitaker, Sophie Rigard, Jean Christophe Sarrot, Roland Gori.

LE CHEMINEMENT QUI A DESSINÉ LES GRANDES LIGNES DU PROJET

1- En cherchant à identifier à quoi correspondait la volonté de durcir l’attribution du RSA, nous sommes allés à la rencontre d’une série d’interlocuteurs, en particulier des militants du Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB), d’ATD quart monde, mais aussi d’économistes, de philosophes, de syndicalistes, d’élus ou encore… d’allocataires du RSA.

2- Est apparue la nécessité de mettre en perspective les étapes historiques qui ont conduit à la création du RSA en France, de remonter le temps pour situer d’où sont venues les idées d’un revenu citoyen sans condition ; de faire un peu d’histoire… Cela nous a conduit jusqu’à Thomas Paine, en 1795.

3- Constatant que beaucoup de propositions allaient dans le sens d’une allocation « inconditionnelle« , sont ensuite arrivées plusieurs questions pratiques : un revenu garanti… « pour tous les citoyen.nes »? Ou privilégiant les plus jeunes ? Nous sommes allés recueillir plusieurs hypothèses exprimées depuis des années. De Philippe Van Parijs (Réseau européen pour un revenu de base) à Bernard Friot (Réseau salariat), en passant par le revenu universel promu par Benoit Hamon et les militants de Génération.s.

4- Très vite a émergé tout ce qui pouvait s’opposer à cette proposition politique : les « freins » … Certain.e.s tirent à boulets rouge sur l’idée elle-même… « un encouragement à la paresse et au désœuvrement », « une attaque frontale de la « valeur travail » … Des convergences semblent pourtant exister entre représentants de la droite et de la gauche… Pour certains, le signe que l’idée même est louche… Il fallait donc entrer plus à fond dans le sujet et recenser les arguments, les chiffres et les principes avancés par les un.e.s et les autres.

5- En creusant un peu, nous avons vite réalisé que diverses expériences ont déjà eu lieu, en France et ailleurs, souvent trop courtes pour être réellement significatives. Nous avons alors tenté de nous faire une idée des résultats et limites de ces expériences au-delà du territoire français.

6- Une question récurrente : si ce revenu inconditionnel était appliqué, faudrait-il qu’il soit plus ou moins proche du SMIC ? La question rejoignait rapidement celle du coût et du financement… « Un pognon de dingue ? »… D’autres soulevaient que c’était plutôt une modalité pour un autre partage des richesses. La perspective d’une refonte de la fiscalité a alors émergé avec une idée souvent partagée : faire payer plus ceux qui le peuvent et permettre aux autres de bénéficier légitimement de la création collective de richesse.

7- Certain.e.s ont bondi : de quelles richesses parlons-nous ? La richesse d’un pays est-elle résumable à son PIB ? Qui lui-même intègre pollutions et marché de dépollution comme une « augmentation de richesse »… Au fond, de quel « gâteau » parle-t-on ? Ces questions nous ramenaient à ce que « financer » un revenu citoyen de base signifiait : non seulement modifier le partage de la richesse produite par la collectivité mais également changer sa composition. Valoriser et développer certaines activités et en faire décroitre d’autres.

8 – Mais qui va ramasser les poubelles ? Si les citoyens ont un revenu ne les contraignant plus à accepter les métiers pénibles, comment assurer certaines tâches indispensables pour la société ? Cela ouvrait sur la question des métiers polluants, usants, les « bullshit jobs » comme disait le regretté David Graeber… Certain.es argumentèrent sur la bonne occasion pour revaloriser des métiers à la fois indispensables et mal reconnus, avec une autre grille des salaires en fonction de la pénibilité, mais aussi de ceux que la société considère comme les plus socialement et écologiquement utiles. Un chantier digne du nettoyage des écuries d’Augias…? Oui, comme toutes les grandes évolutions qui ont marqué le progrès social et créé des solidarités vivantes.

9- L’ensemble de ces réflexions interrogeait aussi notre « modèle de développement »… en train de rendre la planète invivable. Des défis vitaux tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le ressourcement des sols et de la biodiversité, signifieraient… Abaisser le taux d’activité… Autrement dit, sortir d’un productivisme et consumérisme insoutenables. Alors là, c’est sûr, avec ce projet de modifier les habitudes des citoyens-consommateurs, le chantier semblait carrément pharaonique…

10- Enfin, arriva un argument de poids : l’arrivée fracassante des intelligences artificielles laissant fortement anticiper que des pans entiers d’activités allaient être pris en charge par des machines et chasser de leur emploi des millions de personnes. Cela nous rappelait que la diminution du temps de travail avait déjà amplement commencé… par le chômage de masse.

11- L’ultime question était politique au sens le plus électoral : comment une telle mesure pourrait-elle être sérieusement débattue dans la société et reprise par une majorité politique ?… Au fond l’objectif de notre initiative était bien de créer les conditions d’un large débat sur une base solidement documentée. Et, autant que possible, d’arriver un jour à une application pratique de ces idées fondées sur une exigence à la fois sociale et écologique.

12- En chemin, nous avons rencontré un collègue qui a écrit une fable d’anticipation imaginant le monde en 2052 : A l’occasion de son anniversaire, un personnage retrace les faits marquants depuis la création d’un revenu inconditionnel dorénavant établi dans 134 pays. Cela nous a semblé être un très bon épilogue pour la série !

Ces 12 points correspondent à 12 épisodes (de 20 à 30 minutes) qui nous permettront d’aborder ces questions avec un bon degré de nuances ; chacun pourra être vu indépendamment des autres, avec une introduction commune à chaque fois.

NOTE D’INTENTION DE L’ÉQUIPE DE RÉALISATION

La série est conçue pour parcourir collectivement notre histoire et inviter à réfléchir au futur. Le mode du cinéma documentaire est envisagé comme « principe actif » pour générer un débat argumenté et en profondeur (dans la durée). 

La forme série permet une exploration large partant de la notion de « revenu de solidarité » jusqu’aux différentes propositions de « revenu d’existence », en passant par des enjeux économiques, écologiques, fiscaux et l’implication d’une grande diversité d’acteurs/actrices. 

On nous demande parfois si ça va être une collecte de recueil de paroles « d’experts » ou « d’intellos ». On répond qu’il y en aura assurément parmi les acteurs (sociologues, historiens, économistes, syndicalistes, élus…) mais que nous comptons aussi beaucoup sur les contributions de gens qui savent pratiquement ce que signifie vivre quand on est au RSA, chômeur de longue durée, étudiant, petit paysan ou… assistant·e social·e. 

Il s’agit d’une mise en récit, d’un télescopage de témoignages et de réflexions sur ce qui existe et ce qui pourrait s’améliorer, s’inventer.

Filmer les métiers, le « travail » sous toutes sortes d’angles, est un enjeu d’écriture à part entière.

Mettre en chantier cette série, c’est travailler à former une « communauté d’enquêteurs » (pour reprendre le terme de John Dewey) susciter des controverses, mais aussi, l’émergence de certaines « évidences », établir une forme d’expertise collective. Le cinéma documentaire n’est pas la vérité, c’est un outil de connaissance, d’investigation, un outil pour révéler certaines choses, créer des moments d’attention partagée (lors des tournages, du montage, comme lors des projections à venir). 

Si on dit les choses sans détour, nous sommes dans une séquence historique où d’immenses moyens sont utilisés par les riches pour promouvoir leurs intérêts. Se peut-il que l’on mette en exergue les possibilités d’autres formes de production, de redistribution des richesses et de garanties des moyens d’existence qui bénéficieraient aux plus précaires ?

Si nous avons pris le parti de commencer les tournages, la réalisation ne pourra aller correctement à son terme sans financement.

Nous n’écartons pas la perspective d’entrer en production de façon plus « traditionnelle » (avec une production et une diffusion télévisuelle), mais nous faisons le choix d’être le plus autonome possible, connaissant bien les concessions demandées par les télévisions. Un tel sujet jugé « trop politique », risquerait fort de rester dans les tiroirs ou d’être sérieusement édulcoré.

Cette aspiration à l’autonomie ne signifie bien entendu pas sacrifier l’enjeu de mise en forme, ni la visée de toucher un public le plus large possible. Au stade où nous sommes, nous avons déjà l’assurance d’avoir un fond argumentaire et historique passionnant. Cela ne dispense pas de chercher une inventivité sur la forme, si possible ludique, cinématographiquement exigeante, avec un traitement sonore et musical approfondi.

Voilà pourquoi nous avons décidé de viser une somme conséquente, permettant tout simplement de rémunérer des professionnels en proportion de ce qu’un tel chantier nous semble demander y compris pour sa diffusion la plus large possible (organisation de diffusions-débats, coordination trans-réseaux, attaché de presse, diffusion sur internet, circulation des films en salles, etc…)

Les fonds recueillis seront gérés par l’association de production et d’éducation à l’image  La Trame.

Boris Claret, Isabelle Dario, Vincent Glenn

CAMPAGNE PARTICIPATIVE

Pour permettre au projet d’aboutir et de rester le plus indépendant possible, vous pouvez soutenir sa campagne de financement participative.

 

dessin ©Deligne