4 Déc 2024

Dans l’isoloir, le prochain court-métrage de Baptiste Martin-Bonnaire

Le réalisateur et scénariste Baptiste Martin-Bonnaire prépare le tournage d’un court-métrage de fiction situé au lendemain des élections présidentielles : Dans l’isoloir. Découvrez le dossier de présentation du film dont le tournage est prévu pour début 2025.

Synopsis : Stupeur au lendemain des élections présidentielles : les électeurs entrés dans l’isoloir n’en sont jamais ressorti. Heureusement, Tim, la trentaine, s’est abstenu. Au contraire de Pierrot, son meilleur ami, qui fait partie des disparus. Pour le retrouver, Tim n’a pas le choix : il va devoir, lui aussi, entrer dans l’isoloir.

Note d’intention

Montée de l’abstention, prééminence d’un pouvoir aux abois qui s’appuie sur le vote barrage pour accréditer sa légitimité, impuissance de l’Assemblée Nationale face au recours régulier au 49.3, progression d’un vote contestataire qui bénéficie à l’extrême-droite, récurrence des seconds tours entre doxa néo-libérale et son pendant fasciste… ce ne sont que quelques uns des maux qui frappent notre démocratie dite représentative. Alors que d’aucun·es questionnent la possibilité d’accoler ces deux termes antinomiques, ce film prend le parti d’interroger le geste central qui la fonde : le vote.

Lieu sacré de l’exercice de cette démocratie représentative, le bureau de vote est curieusement très peu représenté au cinéma. J’ai choisi d’y concentrer mon récit afin d‘interroger le rôle du bureau de vote et des objets qui le structurent (urne, isoloir, registre de vote, portrait présidentiel) en détournant leur fonction. Autrement dit : en passant d’un lieu d’exercice du pouvoir citoyen à un lieu de claustration. Au fur et à mesure que le contexte des disparitions nous est livré, la tension autour du lieu augmente. En filmant le bureau de vote comme une scène de crime dans laquelle la lumière entre progressivement, mais aussi en tournant autour de l’isoloir avec la caméra tel que le font les personnages, je souhaite révéler le caractère central de cet objet. Avant de s’en approcher progressivement, comme on se rapproche d’une entité déconcertante, chargée d’un pouvoir insoupçonné par le récit, la lumière et la mise en scène  […]

Il s’agit de jouer avec l’inquiétante étrangeté qui habite ce lieu, teinté d’une lumière éthérée et empreint d’un silence angoissant. En révélant progressivement le caractère monstrueux et destructeur de l’urne, ainsi qu’en détournant le pouvoir symbolique du portrait présidentiel et en multipliant décadrages et dutch angles, je souhaite jouer avec les codes du fantastique et de l’angoisse… mais il s’agit en réalité d’une comédie. Pour le dire autrement, je souhaite réaliser un film d’horreur au premier degré pour mieux révéler la farce qui le sous-tend.

Le droit de vote est un conquis social, mais il ne saurait constituer à lui-seul l’exercice du pouvoir citoyen. Jusqu’où l’exercice de ce droit devra- t-il se détériorer avant qu’on en interroge le sens et la fonction ? Tous les maux cités plus haut peuvent être interprétés comme des symptômes d’une démocratie qui vit mal… ou qui ne vit pas. Ou bien comme les conséquences du vote barrage, qui finit par faire monter ce qu’il combat. Pour autant, Dans l’isoloir n’est pas un film contre le vote. S’agit-il d’une critique de l’injonction au vote-barrage ? D’un plaidoyer pour la reconnaissance des votes blanc et nul ? D’une contestation du vote en tant qu’alpha et oméga de la démocratie ? A moins qu’il s’agisse d’un plébiscite du communalisme auto-gestionnaire qui se dessine in fine ?
Dans l’isoloir, c’est un peu tout ça à la fois. Mais s’il fallait en dire davantage, alors je dirais simplement que ce film est là pour interroger la capacité de dèmos à se réapproprier kratos.